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Frédéric Cailliaud accompagne les Égyptiens dans leur razzia au Soudan

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Frédéric Cailliaud était l’un des nombreux Européens ayant suivi la plus grande razzia esclavagiste menée par Muhammad Ali/Mehemet Ali d’Égypte au Soudan pour obtenir des esclaves. Cette campagne dura deux ans durant lesquels tout l’actuel soudan a été méthodiquement razzié villages par villages.

Notons que les « Dja’leyns » dont il est question ici ne sont autres que les Ja’alayin, tribu nord-soudanaise, à laquelle appartient Omar el Béchir dont les ancêtres faisaient commerce des Dinka et d’autres peuples du Darfour qu’ils considéraient comme « nègres » pendant qu’eux s’identifiaient comme « arabes »...

« Les tribus arabes du voisinage sont toutes indépendantes. Les Choukryehs et les Kaouâhlehs vivent dans une continuelle inimitié avec les Dja’leyns, qui sont la tribu la plus nombreuse. (…)

On dit les Dja’leyns encore plus perfides que les autres Arabes. Ils sont en général d’une belle race et mieux constitués, parce qu’ils évitent de s’allier avec les tribus voisines du fleuve.

[…]
Beaucoup d’habitants ont des esclaves, soit pour les travaux domestiques, soit pour cultiver les terres. Il règne dans la ville un air d’aisance ; l’ardeur avec laquelle on s’y livre au commerce y contribue beaucoup : le vendredi, le samedi et le dimanche de chaque semaine, il s’y tient des marchés bien approvisionnés, où l’on se rend de fort loin. Là on voit exposés en vente, à-peu-près pêle-mêle, les esclaves, les chameaux et le bétail. Avant d’y conduire leur marchandise, les commerçants ont soin de la parer : ainsi les esclaves sont préalablement nettoyés, et bien graissés des pieds à la tête. Je vis environ une centaine de ces malheureux, de l’un et de l’autre sexe, assis à terre, rester durant tout le jour exposés à l’ardeur d’un soleil brûlant, comme les animaux auxquels leurs propriétaires les assimilent. Des marchands parlent-ils de l’arrivée d’une caravane, ils en évaluent l’importance par le nombre des têtes et dans ce nombre sont comptés indistinctement, chameaux, esclaves, etc. Si, par hasard ou à dessein, quelqu’un tue un esclave, le meurtrier en paie la valeur au propriétaire, et tout finit par-là. Un conducteur de caravane emploie des expressions analogues pour exciter à la marche les esclaves ou les animaux. Ces esclaves proviennent de l’Abyssinie, du Sa’ydeh, du Sennâr, du Dinka, du Kourdofan, du Darfour, de Fertit : dans ce dernier lieu, dit-on, les parents livrent leurs enfants pour se procurer du dourah. Le nombre de ces malheureux qui se vendent annuellement à Chendy, peut être évalué à quatre mille. L’âge est une des principales bases sur lesquelles s’établit leur valeur vénale. On appelle commassy les filles de onze ans et au-dessous ; sédassy, celles qui ont de onze à quinze ans; ce sont les plus estimées; elles valent de 18 à 30 talaris (piastres d’Espagne). Les balègues sont celles qui ont passé la quinzième année ; elles ne valent déjà plus que de 8 à 12 talaris. De vingt à trente ans, elles sont réputées vieilles, et l’on répugne à s’en charger, à moins qu’elles n’aient été précédemment en service, et qu’elles ne sachent coudre ou faire la cuisine, ce qui met une grande différence dans le prix. L’esclave qui a eu la petite vérole, acquiert aussi une valeur plus considérable ; car on dit que, dans le Darfour, il en périt un cinquième de cette maladie. Les esclaves mâles se vendent toujours trente pour cent au-dessous de ceux de l’autre sexe. Les Abyssiniennes sont les plus recherchées ; elles ont la réputation d’être intelligentes. Les Noubas sont bons ; les nègres du Kourdofan et du Darfour sont moins dociles ; on dit que ceux de Fertit sont cruels et féroces. Un marchand d’esclaves a un grand intérêt à les bien traiter, et ces pauvres gens, sans chercher à pénétrer le motif des soins qu’il leur prodigue, lui donnent, par reconnaissance, le nom de père [« abou »]. Les nègres appréhendent beaucoup d’aller chez les blancs, où un petit insecte, la puce, suce le sang humain, et fait beaucoup souffrir ; ils sont en général persuadés, et je ne sais sur quoi ils fondent cette opinion, que les blancs eux-mêmes finiront par les manger. »

Description de Chendy, ville de Nubie arabisée par Frédéric Cailliaud in « Voyage a Méroé, au fleuve Blanc, au-dela de Fazoql (…) » Volume 3

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