Accueil Monde arabo-musulman L’histoire du chef des Eunuques de la Mecque accusé d’avoir engrossé une esclave de son maître.

L’histoire du chef des Eunuques de la Mecque accusé d’avoir engrossé une esclave de son maître.

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Nous nous sommes appesantis déjà sur le chiffre énorme d’eunuques que produit le Soudan, et la consommation est loin d’en diminuer. Des pharmaciens à Karthoum y ont gagné des fortunes énormes. Nous en avons connu un entre autres, qui avait le grade de lieutenant ; Mousssa-Pacha le nomma capitaine pour ce genre de service rendu à la patrie.

 
Mais l’établissement modèle, l’établissement mère est à Abou-Gerghé, sur la montagne Ghebel-Eter. Ce sont des moines coptes qui, depuis nombre d’années, ont ce privilège lucratif. Nous avons établi la statistique, n’y revenons donc pas.

 
C’est un couvent immense, construit comme une citadelle. Au rez-de-chaussée se trouve la vaste salle d’opération. Ces bons moines achètent à vil prix des enfants trop jeunes pour avoir une valeur. Les négriers leur en fournissent autant qu’ils le désirent, et leurs propres agents se livrent à cette chasse productive, enlevant tous les petits nègres qu’ils trouvent.

 
Inutile de dire que la solitude s’est faite autour de cette fabrique mutilatoire. Ils pratiquent deux genres d’opération. La première, la moins dangereuse, celle qui réussit le mieux, est la castration simple. On opère comme sur les animaux.

 
Ces sortes d’eunuques sont les moins prisés, et relativement se vendent bon marché, deux cents talaris environ. On les emploie dans les jardins des harems, aux portes extérieures, à l’entrée des palais. Sur cent opérés, un tiers succombe aux suites de la castration. — Ce sont les enfants les plus âgés qui sont soumis à ce genre de mutilation. Autant que possible, on évite de les laisser en rapport avec les dames qui sont bien loin de les dédaigner. Il est facile de citer de nombreux exemples de ces amours plus ou moins platoniques ; comment en serait-il autrement ? Quand on réfléchit que presque toutes, sevrées des apaisements charnels, ont tous les sens, tous les organes surexcités par les scènes de débauches dont elles sont témoins.

 
Une fois nous avons voyagé sur l’Azizié, avec un personnage important, le chef des eunuques du grand chérif de la Mecque, nègre magnifique. Il était à fond de cale, enchaîné sévèrement. Une accusation capitale pesait sur lui. Il était convaincu d’un abus de confiance sexuel. Confident tout-puissant de son maître, chez lequel il était entré bien jeune, à l’époque où la castration était presque uniquement en usage, avait-il échappé à l’opération, à cause d’un de ces phénomènes rares, dont les annales de la médecine citent quelques faits curieux ? Était-ce un exemple de l’influence physique des passions sur le cerveau ? Toujours est-il, qu’il mit la révolution au harem du grand prêtre.

 
Lui, le second ministre de la religion, gardien du trésor le plus précieux d’un musulman, il avait jeté un regard de satyre sur ces beautés qui, devant lui, se laissaient aller à toutes les excentricités de la plus provocante toilette. Il avait convoité ces houris sans défiance des passions qui bouillonnaient au fond de son cœur. À peine vêtues d’une chemise de gaze, elles se livraient, sous ses yeux, à tous les ébats, à tous les plaisirs que les femmes des harems se permettent entre elles, et qu’on tolère pour calmer leur effervescence. Le besoin de la procréation, ou manifesté tout à coup, ou suppléé, embrasa son cœur de feux dévorants. Il trahit son maître, et trouva beaucoup, mais beaucoup de ces odalisques sensibles, empressées, brûlantes. Un enfant nègre fut présenté comme son fils au grand chérif qui est d’une blancheur éclatante. L’accouchée était circassienne. Le chef de la religion, émerveillé, compulsa le Coran, et n’y trouvant pas l’annonce de ce phénomène, eut un soupçon terrible. Le chef des eunuques fut épié, surpris en flagrant délit et arrêté. Le chérif n’avait pas le droit d’abattre sa tête, il l’avait fait trop grand. Il l’envoyait donc à Stamboul pour que le Sultan prononçât sur son sort. Quant aux femmes coupables, leur châtiment ne regardait que le mari outragé ; il s’en vengea noblement. Toutes étaient soupçonnées, toutes donc périrent ; le harem fut renouvelé, et nous avons voyagé sur le Soakim, avec douze Géorgiennes qu’on lui amenait pour former les cadres de son bataillon de courtisanes.

 
Les maris musulmans durent faire de sérieuses réflexions et chercher un remède à ce grave inconvénient. L’ablation totale, complète, absolue, fut exigée. Opération terrible, pratiquée avec le rasoir, tout d’un coup, sans se préoccuper des artères. Le petit patient est étendu sur une table, les jambes écartées, tendues fortement et fixées à des crampons de fer. Le col est pris dans un carcan, les bras allongés sont tenus par deux aides, et le rasoir enlève muscles, peau, chair, mettant à nu les pubis. Il en résulte une plaie effroyable qui toujours met la vie en danger. Les souffrances sont atroces. Quand l’enfant a été délié et retiré de dessus la table d’opération, on introduit dans la vessie un morceau de roseau saillant de deux pouces, pour que les fonctions urinaires ne soient pas supprimées. Un emplâtre est appliqué, puis le martyr est enterré jusqu’au col dans le sable brûlant et exposé aux ardeurs du soleil. On foule le sol autour de son petit corps, pour qu’il soit dans l’impossibilité absolue de remuer ; condition sine qua non de succès, disent les moines.

 
Pendant trois jours, on ne lui donne que de l’eau, car la fièvre est intense. Ensuite on le nourrit peu à peu, et au bout de huit ou dix jours, on le retire. La cicatrisation est avancée, l’hémorragie n’est plus à craindre.

 
Sur cent opérés, quatre-vingt-dix succombent. Ceux qui survivent, sont gardés quelques années au couvent, puis vendus de sept cents à mille talaris. Leur emploi est la garde des dames, la surveillance intime, l’intérieur des appartements. En l’absence du mari, ils peuvent entrer dans la chambre à coucher des épouses, à toute heure, en toute circonstance ; de nuit, de jour, quand bon leur semble, et quelle que soit la situation délicate dans laquelle se trouve la femme. C’est même une obligation pour eux, un des devoirs de leur charge.

 
Au reste, les femmes n’éprouvent aucune gêne de la présence de ces êtres tronqués. Elles les considèrent comme des petits chiens, c’est leur expression, les grands étant exclus des harems ; ces pudiques houris vaquent avec insouciance devant eux, aux soins les plus secrets de leur toilette. Pour elles, ce sont des automates, et les maris, à leur égard, sont sans crainte comme sans jalousie.

 
Ces malheureux peuvent aspirer aux premières places de l’empire, aux fonctions les plus importantes. Nous en connaissons qui sont colonels, généraux, ministres, gouverneurs, et possèdent des harems. Pourquoi faire ? Je l’ignore.

 
Règle générale, plus un eunuque est hideux, repoussant, plus il est beau, plus il a de prix, plus il est fier et hautain. Jamais un sentiment noble ne fait battre son cœur haineux. En perdant sa virilité, il se sent séparé de l’humanité et la prend en exécration. Les larmes, les douleurs, le supplice de ses maîtres, voilà ce qui fait sa joie, voilà son paradis

 
Sources : Raoul Du Bisson, « Les femmes, les eunuques et les guerriers du Soudan », 1868
 
 
  • Eunuques noirs à la Mecque

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