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« Nous sommes iraniens » : à la découverte de l’histoire de l’esclavage africain en Iran

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L’universitaire irano-canadienne Behnaz Mirzai a consacré vingt ans de sa vie à des recherches sur un épisode méconnu de l’histoire iranienne : la diaspora africaine en Iran

Les Afro-Iraniens se considèrent comme Iraniens et sont souvent contrariés par les questions qu’on leur pose sur leurs origines africaines (photo publiée avec l’aimable autorisation de Behnaz Mirzai)

SAINT CATHARINES, Canada – Les étudiants de Behnaz Mirzai disent souvent que son bureau ressemble à un musée.

C’est facile à comprendre, devant ses étagères ornées de tessons de poterie provenant des montagnes de la province iranienne du Sistan-et-Balouchistan, de vases d’Ispahan bigarrés et de masques tribaux de Zanzibar.

Behnaz Mirzai a consacré près de vingt ans de sa vie à étudier les origines de la diaspora africaine en Iran, notamment l’histoire de l’esclavage dans son pays natal jusqu’à son abolition.

Quand elle a commencé ses recherches à la fin des années 1990, c’était un sujet méconnu, et de nos jours il reste encore peu familier pour la plupart.

« Au temps où je vivais en Iran, nous n’avions jamais entendu parler d’esclavage dans ce pays », a expliqué Behnaz Mirzai à Middle East Eye lors d’un entretien à la Brock University, où elle occupe actuellement le poste de professeur agrégée en histoire du Moyen-Orient.

À la découverte de l’esclavage en Iran

Behnaz Mirzai était titulaire d’un master en histoire iranienne et islamique de l’Université d’Azad à Téhéran quand elle est arrivée au Canada en 1997.

L’année suivante, quand elle a commencé ses études de troisième cycle à l’Université York de Toronto, un entretien avec Paul Lovejoy, un professeur d’histoire, l’incita à se lancer à la découverte d’un épisode méconnu de l’histoire iranienne.

« Je ne savais pas si nous avions pratiqué l’esclavage, parce que ce n’est pas un sujet répandu ou quelque chose que les gens connaissent et dont ils parlent », a poursuivi Behnaz Mirzai. Ayant contacté ses anciens professeurs en Iran, elle découvrit que son pays avait en effet participé à la traite des esclaves africains – et que les archives iraniennes renfermaient des documents qui en témoignaient.

« L’esclavage n’a pas été incorporé à l’histoire de l’Iran… La connaissance qu’en avaient les gens, les gens ordinaires et même les universitaires, était très, très limitée, voire inexistante », a-t-elle constaté. « Il n’y avait pas d’articles ni de livres ; c’était complètement nouveau. »

Le commerce entre l’Iran actuel et les pays d’Afrique remonte à plusieurs siècles. Mais Behnaz Mirzai a découvert que l’esclavage concernait surtout deux périodes : la dynastie Qajar (1795-1925) et le début de la dynastie Pahlavi (1925-1979).

Cette photo de princes, d’enfants de dignitaires et de domestiques a été prise à la cour de Nasir al-Din Shah, un roi de la dynastie Qasar, à Téhéran au XIXe siècle. Les enfants noirs étaient connus sous le nom de khanezad, « né dans la maison »

Behnaz Mirzai, dont les recherches portent surtout sur la période la plus moderne de l’esclavage en Iran, a expliqué que les négociants arabes du Golfe – sous la houlette du sultanat d’Oman, qui contrôlait de vastes régions bordant l’océan Indien – amenaient des esclaves en Iran depuis le nord et le nord-est du continent africain, notamment la Tanzanie (Zanzibar), le Kenya, l’Éthiopie et la Somalie.

Dans la littérature islamique ancienne, on faisait référence aux Éthiopiens sous le nom d’al-Habasha. Selon Behnaz Mirzai, de nombreux esclaves ont de ce fait choisi « Habashi » comme nom de famille quand ils sont arrivés en Iran, pour signaler leur origine éthiopienne. Quant aux esclaves venus de Zanzibar, ils étaient susceptibles de choisir le nom de Zanzibari.

Pour la plupart concentrés sur la côte sud de l’Iran, les esclaves travaillaient surtout dans la pêche et l’agriculture, ou comme domestiques, nourrices, voire comme soldats dans l’armée.

En outre, les Africains n’étaient pas les seuls esclaves présents en Iran. « En Iran, l’esclavage ne se fondait pas sur la race et ne concernait pas seulement les Africains ; les Circassiens et les Géorgiens étaient aussi réduits en esclavage, ainsi que de nombreux Iraniens », a révélé Behnaz Mirzai. Certains esclaves travaillaient aux côtés de paysans iraniens qui vivaient dans des conditions de pauvreté extrême.

Behnaz Mirzai a découvert que l’abolition de l’esclavage s’était amorcée en 1828, avec la fin de la traite des Circassiens et des Géorgiens, et s’était achevée par l’interdiction totale de cette pratique exactement un siècle plus tard.

 

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